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Liberté surveillée

En 2015, Jakob Lenz de Wolfgang Rihm, opéra de chambre produit par la Monnaie, avait fait l’unanimité grâce entre autres à la belle synergie qui s’était développée entre les trois artistes réunies autour de ce projet : la metteuse en scène Andrea Breth, le chef d’orchestre Franck Ollu et le baryton Georg Nigl. En janvier 2018, le trio se reforme pour un diptyque – Il prigioniero (1948) de Luigi Dallapiccola couplé à Das Gehege (2006) de Wolfgang Rihm – qui, en termes d’intelligence et de tension émotionnelle n’a rien à envier à son prédécesseur récompensé.

© Hugo Segers-La Monnaie
© Hugo Segers-La Monnaie

Ecrit par le compositeur italien, le livret d’Il prigioniero s’inspire notamment de La légende d’Ulenspiegel de Charles de Coster (1827-1879) ainsi que du conte La Torture par l’espérance d’Auguste Villiers de L’Isle-Adam (1838-1889). Cette histoire simple décrit, en moins d’une heure, le destin d’un prisonnier à l’époque de l’Inquisition espagnole sous Philippe II. Enfermé dans les geôles du Grand Inquisiteur, le prisonnier reçoit la visite de sa mère tourmentée qu’il tente de rassurer. La Flandre est entrée en rébellion contre le régime espagnol et bientôt, lui dit-il, la cloche Roeland sonnera le glas du roi et de son Grand Inquisiteur… Luigi Dallapiccola avait débuté sa carrière en écrivant une musique riche, chromatique et quasi tonale. Dans les années 1920, notamment après une représentation du Pierrot Lunaire de Schoenberg, il se passionne pour la Seconde École viennoise et va devenir le principal représentant du sérialisme et du dodécaphonisme en Italie. Cependant, le compositeur est suffisamment italien pour donner assez d’espace à un lyrisme quasi sensuel dans les structures complexes de sa partition.

© Hugo Segers-La Monnaie

Compositeur contemporain majeur, Wolfgang Rihm a été sollicité en 2004 par l’Opéra national de Bavière pour une création à présenter en diptyque avec Salome de Richard Strauss. C’est ainsi qu’il crée Das Gehege, une «scène nocturne pour soprano et orchestre.» L’histoire s’inspire de la scène finale de la pièce de Botho Strauss, Schlusschor, où une femme se trouve totalement ensorcelée par la beauté d’un aigle qu’elle veut libérer de sa cage. Elle tente de le séduire, de le rendre jaloux, mais comme l’animal persiste à l’ignorer, elle l’écartèle. À la fois courts et puissants, les deux opéras sont situés dans un espace quasi abstrait mais à la forte teneur politique. Il prigioniero traite du combat pour la liberté dans un régime totalitaire répressif mais nous renvoie également aux impasses cachées de l’idéologie du prétendu «monde libre.» Ce trouble jeu idéologique se retrouve aussi dans Das Gehege car l’histoire se déroule le soir de la chute du Mur de Berlin et de la fin de la Guerre froide. Mais cette liberté retrouvée a un prix : celui d’être à la merci de son puissant libérateur…

Représentations les 16, 18, 19, 23, 25 et 27 janvier à 20h, le 21 janvier à 15h au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Renseignements et réservations au 00 32 22 29 12 11 ou sur www.lamonnaie.be