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Musiques sans frontières

A une heure de Lille, Gand propose aux afficionados du jazz l’édition 2018 d’un festival digne des plus belles affiches européennes. La légendaire note bleue - mais aussi les musiques actuelles -, sera donc déclinée sur tous les temps avec une programmation conviant stars, artistes d’aujourd’hui et musiciens prometteurs. Tour d’horizon de quelques-uns des concerts à savourer du 29 juin au 8 juillet.

Pharoah Sanders.
Pharoah Sanders.

David Byrne.

Plus de 40 ans après la naissance de Talking Heads à New York, en pleine effervescence punk, l’aura du groupe et de son leader David Byrne est intacte. D’origine écossaise, peu d’artistes ne semblent pourtant plus lié à New York que lui. Depuis 1977, il y écrit l’histoire de la musique et son influence est perceptible dans la musique de groupes tels que Radiohead, Arcade Fire ou Franz Ferdinand. En mars dernier, David Byrne sortait American Utopia, son premier album solo depuis 14 ans. Un disque en prise directe avec les turbulences qui secouent l’Amérique depuis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, réalisé en collaboration avec de jeunes héritiers et produit en partie par Brian Eno. Un magnifique nouveau chapitre d’une discographie qui aura aspiré en quarante ans la musique de tous les continents, replaçant son auteur à sa juste place. Celle d’un storyteller hors pair, d’un musicien dont les idées irriguent toute la pop contemporaine, d’un chanteur à la voix convulsive et unique, d’un performer éblouissant. Pour ce concert événement, l’esthète new-yorkais jouera son nouveau répertoire et une myriade de classiques au groove vibrant, dont la modernité initiale ne s’est jamais démentie (29 juin).

Mélanie De Biasio. © Frank Loriou

Depuis l’album No Deal en 2013, Mélanie De Biasio cultive un soin presque artisanal à la construction sonore qui entre en résonance avec une approche très libre de l’exercice musical, sans entrave de temps ou de technique. Quelque chose qui est comme une ample respiration, la réminiscence de musiques rêvées et de vies vécues, mais aussi – la leçon qu’elle a reçue de Miles Davis et de Frank Zappa – une évasion hors des carcans, le refus des étiquettes, la recherche incertaine d’une vérité mouvante. Jazz ? L’étiquette est commode mais terriblement restrictive tant les horizons de création de la chanteuse et flûtiste italo-belge sont vastes ; elle qui n’aime rien tant que les lignes de faille des musiques expérimentale et improvisée, et dont la matière sonore emprunte au rock, au trip-hop, à l’ambient sans jamais rien leur devoir. Le jazz est ici une toile de fond sur laquelle se déploient des histoires de nuit et d’amour – quelque chose qui serait la B.O. rêvée d’un film sensuel et magnétique. Des compositions en apesanteur à savourer lors de ce concert très attendu (1er juillet).

 

Une légende du jazz…

Pharoah Sanders.

Les années soixante sont caractérisées par une grande dose d’insouciance. Il s’agit d’une période de libération, de démocratisation, de résistance et d’évolution. Mais les années soixante nous ont aussi marquées par l’apparition du free jazz expressionniste, presque anarchiste. Le saxophoniste Pharoah Sanders, légende vivante et rebelle espiègle, a joué un rôle de pionnier durant cette période avec ses riches tonalités. Durant sa collaboration avec John Coltrane, il a réalisé quelques-uns des ensembles les plus controversés. Le temps a eu raison de la férocité, et Sanders, du haut de ses 76 printemps, joue de manière plus raffinée, plus précise. Mais toujours avec la même passion indomptable pour le partage et l’abandon à la musique. En quartet, cette légende du jazz convie le très talentueux trompettiste Nicholas Payton  à le rejoindre sur scène pour un concert qui s’annonce époustouflant (7 juillet).

 

… et un maître de l’improvisation

 

Tenu par beaucoup comme le meilleur pianiste de sa génération, Brad Mehldau combine dans son style les influences de l’esthétique classique – notamment Ravel et Debussy –, avec un sens du rythme flexible hérité du bebop. La séduction immédiate de sa musique tient à l’impressionnante virtuosité de l’interprète et à l’émotion qui s’en dégage. Laquelle est traversée de références insolites, comme autant de clins d’œil à l’auditeur invité à pénétrer dans un univers sombre, torturé, mais qui parvient à envoûter son auditoire en en créant des climats contrastés. Une musique d’un accès parfois abrupt dans laquelle il suffit pourtant de se laisser glisser pour en goûter la plénitude. Il se produira ici en trio – avec ses complices de longue date, Larry Grenadier à la contrebasse et Jeff Ballard à la batterie –, pour un subtil alliage de spontanéité et de rigueur (5 juillet).

Trompettiste américain d’origine nigériane, Ambrose Akinmusire a pour ambition  de créer un univers personnel «au service de la beauté.» Originaire d’Oakland (Californie), il attire d’abord l’attention du saxophoniste Steve Coleman avant de publier un premier album, Prelude (To Cora), à l’âge de 19 ans. Il s’installe alors à New York où il se produit avec Jason Moran, Ron Carter, Herbie Hancock ou Wayne Shorter. Chacun devine que le trompettiste, créatif et surprenant, est de ceux sur qui le jazz contemporain peut désormais compter. Sur les albums When The Heart Emerges Glistening, puis The Imagined Savior Is Far Easier To Paint (Blue Note), l’artiste y dessine des paysages, des visions, des états de grâce, explorant les deux faces de son tempérament : l’introspection et l’effusion lyrique qui prennent une dimension supplémentaire sur scène (7 juillet).

 

Programme complet sur www.gentjazz.com