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Fascination dangereuse

Chef-d'œuvre méconnu du début du XXe siècle, Cardillac reçut un bel accueil lors de sa création mondiale à Dresde en 1926 avant d’être banni sous le nazisme. Un opéra de Paul Hindemith rarement joué que l’opéra de Flandre présente dans une nouvelle production dirigée par Dmitri Jurowski et mise en scène par Guy Joosten.

Cardillac
Cardillac

Pour son premier opéra en trois actes, Paul Hindemith s’est inspiré de la nouvelle Les Bijoux fatals ou Mademoiselle de Scudéry du grand auteur allemand E.T.A Hoffmann (1776-1822). Considéré comme la première histoire policière de la littérature, le récit se déroule à Paris alors qu’une série de meurtres non résolus inquiète la population. Le chef de la police judiciaire militaire rassure néanmoins la population : la justice royale fera son œuvre. Lors d’une conversation galante avec une femme, un chevalier lui confie que chaque acheteur d’un bijou du célèbre orfèvre Cardillac se retrouve assassiné peu de temps après. La dame promet alors à l’homme de passer la nuit avec lui s’il lui offre l’un des merveilleux joyaux de Cardillac. Au cours de leurs ébats, un homme masqué s’introduit dans la chambre et enfonce un poignard dans la nuque du chevalier. La dame s’évanouit, tandis que le meurtrier s’enfuit…

Une atmosphère
de film noir

En psychologie, le «complexe de Cardillac» est un syndrome consistant en l’incapacité à se séparer de ses propres créations artistiques. Cependant, dans le livret expressionniste d’Hindemith, Cardillac devient une espèce de Prométhée, un créateur qui semble avoir accès aux mystères de l’univers. L’orfèvre fuit la lumière du jour qui rend ses bijoux désirables et lui impose les transactions commerciales et les rapports avec le monde. La nuit est son alliée ; c’est le moment où la pression sociale disparaît, où il est seul, dans la plus grande intimité, avec son art et ses pulsions créatrices. Tout comme Hoffmann, Paul Hindemith interroge ici les rapports entre l’art, la vie et l’éthique.

© Annemie Augustijns-Opera Ballet Vlaanderen

Brodant sur la dialectique classique Éros-Thanatos, l’opéra d’Hindemith propose un cocktail détonant de volupté, de cupidité et de fascination du danger. Guy Joosten situe ainsi Cardillac – qui règne sur son monde tel un souverain – dans un film noir surréel ; les évocations urbaines de Frans Masereel sont d’ailleurs l’une de ses nombreuses sources d’inspiration. Dans sa mise en scène, Guy Joosten ne porte aucun jugement moral sur Cardillac. Car les autres personnages sont plus ou moins conscients des crimes de Cardillac, mais sont eux-mêmes tellement fascinés par ses bijoux qu’ils veulent s’en rapprocher toujours davantage… au risque d’y laisser la vie.

Outre Dmitri Jurowski à la baguette, la distribution réunira également de prestigieux interprètes. Ainsi, le baryton britannique Simon Neal, considéré comme l’un des meilleurs barytons-basses dans le répertoire dramatique allemand, tiendra le rôle-titre tandis que la soprano américaine Betsy Horne chantera Seine Tochter.

Représentations
les 21, 23 et 27 février à 20h, le 3 mars à 15h à l’opéra de Flandre à Gand.
Renseignements et réservations au 00 32 70 22 02 02 ou sur www.operaballet.be