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Road trip et voyages intérieurs

© Aquarius
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Quichotte

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Chaque nouveau roman de Salman Rushdie est certes un événement médiatique mais avant tout un choc littéraire tant l’écrivain n’a que peu d’équivalent pour tirer le portrait acide de notre époque à travers ses fictions. Il puise ici son inspiration dans le Don Quichotte de Cervantès et, par le biais du personnage de Sam DuChamp, obscur auteur de romans d’espionnage, il crée Quichotte, un représentant de commerce à l’esprit complexe et raffiné, obsédé par la télévision, qui tombe éperdument amoureux d’une reine du petit écran. Flanqué de son fils (imaginaire) Sancho, Quichotte s’embarque dans une aventure picaresque à travers les États-Unis pour se montrer digne de sa dulcinée, bravant les obstacles tragicomiques qui se dressent sur sa route, tandis que son créateur, en pleine crise existentielle, affronte ses propres démons. Salman Rushdie, conteur émérite, entraîne le lecteur dans un road trip picaresque à travers un pays au bord de l’effondrement moral et spirituel. Les vies de DuChamp et de Quichotte s’entremêlent dans une quête amoureuse profondément humaine et esquissent le tableau d’une époque qui bouleverse les frontières entre réalité et fiction. Un superbe roman baroque sur un monde en déliquescence.

Quichotte de Salman Rushdie (Editions Actes Sud – Traduit de l’anglais par Gérard Meudal).

Ce qui est au-dedans

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Roman inédit de Sam Shepard, d’inspiration autobiographique, publié aux Etats-Unis peu de temps avant sa disparition en 2017, Ce qui est au-dedans s’ouvre au petit matin alors qu’un homme, tenu éveillé par de coriaces coyotes qui hurlent au loin, se laisse envahir par ses souvenirs. Sa vie défile alors devant lui à la manière d’une bande-annonce de cinéma. Au fil de ses réminiscences, défile l’Amérique de son enfance – les champs de luzerne à perte de vue et les parcs à bétail, les chemins de fer interminables et les diners – mais surtout, la jeune amante de son père avec laquelle il a lui aussi eu une aventure. Les méandres complexes de son inconscient le conduisent entre les montagnes et les déserts, qu’il traverse assis à l’arrière d’une Honda, défoncé au jazz, à la benzédrine et au rock. Le roman devient alors une méditation mélancolique sur un passé peuplé de fantômes, rythmé par une langue poétique et sensuelle et magnifié par sa narration théâtrale. Un roman émouvant aux accents surréalistes.

Ce qui est au-dedans de Sam Shepard. Préface de Patti Smith (Editions Robert Laffont – Traduit de l’anglais par Bernard Cohen).

Kudos

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Découverte avec Arlington Park en 2007, Rachel Cusk achève ici son ambitieuse trilogie inaugurée avec Disent-ils et poursuivie avec Transit. Dans ce troisième volet, nous retrouvons le personnage de Faye, romancière britannique, divorcée et mère de deux enfants, qui passe quelques jours en Europe pour participer à un festival littéraire et promouvoir son travail. De cette ville où a lieu l’événement, nous ne saurons rien ou presque, tant l’essentiel est ailleurs dans ce projet romanesque. Faye est ainsi le point névralgique du roman, la chambre d’échos, recueillant la parole des hommes et des femmes qu’elle croise sans en dévoiler beaucoup sur elle-même. Cette observatrice singulière regarde le monde avec une précision tranchante. D’un livre à l’autre se dessine un autoportrait en filigrane de Rachel Cusk qui interroge notre rapport au réel à travers des scènes de la vie quotidienne, des rencontres, des conversations. Le lecteur tisse alors avec Faye une relation troublante, oscillant entre intimité et distance.

Kudos de Rachel Cusk (Editions de l’Olivier – Traduit de l’anglais par Cyrielle Ayakatsikas).