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«Notre travail ? Faire que les start-up ne perdent pas de temps»

Nommée à la présidence d'EuraTechnologies en octobre dernier, Koussée Vaneecke arrive dans un écosystème fort au service des start-ups depuis 13 ans. Nombreuses sont celles pour qui le passage par le plus grand incubateur d'Europe signe la légitimité de leur business.

Koussée Vaneecke est arrivée à la présidence d'EuraTechnologies en octobre dernier. © Georges Lebon EuraTechnologies
Koussée Vaneecke est arrivée à la présidence d'EuraTechnologies en octobre dernier. © Georges Lebon EuraTechnologies

La Gazette Nord-Pas-de-Calais. L'année 2022 a été riche : la levée de fonds record d'Exotec – 335 millions de dollars –, celle d'EuraTechnologies avec 24 M€... Les Hauts-de-France sont-ils une vraie région du numérique ?

Koussée Vaneecke. Il est clair que les Hauts-de-France sont une région propice au numérique. On peut citer nos licornes, Exotec et OVHcloud, les start-up labellisées FrenchTech Next40/120 (VadeSecure, Anywr ex-Cooptalis, Innovafeed) mais aussi la fidélité du FIC (Forum International de la Cybersécurité) qui rassemble chaque année près de 13 000 participants à Lille Grand Palais. La cybersécurité est une vraie force aussi dans la région et les activités du Campus Cyber ont d'ores et déjà commencé.

En quoi va-t-il consister et quand ouvrira-t-il ?

Il s'agit du premier Campus Cyber Hauts-de-France Lille Métropole avec des offres de formation mais aussi un important investissement dans un cyber-range, cet équipement de pointe à destination des RSSI (Responsable de la Sécurité des Systèmes d'Information) et des DSI (Directeur des Services Informatiques) qui permet de simuler une attaque et de déceler les faiblesses d'une architecture pour la rendre ensuite plus performante.

Le Campus Cyber est pour l'instant installé au sein de Le Blan-Lafont mais il investira ensuite le bâtiment Wenov lors d'une inauguration pendant le FIC 2023. L'idée, c'est d'avoir un portail unique cyber pour les Hauts-de-France et d'armer les TPE/PME et les ETI. Il faut savoir que 80% des PME qui subissent une attaque ferment dans les deux ans. La problématique est cruciale.

Depuis la création d'EuraTechnologies en 2008, plus de 6 500 emplois ont été créés. L'objectif dans les 5 ans : 3 000 emplois supplémentaires.

EuraTechnologies est déjà bien ancrée dans les thématiques cybersécurité avec l'incubateur FALC (Fintech, Assurtech, LegalTech et Cybersecurity).

En effet, nous avons d'ailleurs lancé un incubateur dédié exclusivement à la cybersécurité en octobre 2022 avec déjà cinq start-ups incubées. Le risque cyber explose de manière exponentielle, on veut que les entreprises l'intègrent. Nous allons également accueillir un CSIRT (Computer Security Incident Response Team), un centre de traitement avec cellule d'urgence, logé au sein du Campus Cyber et qui sera opéré par le CITC, dès avril 2023.

Quels sont les prochains enjeux pour les start-ups que vous incubez ?

Déjà, la pénurie de talent. Ce n'est pas une surprise. Notre récente étude menée par EY et en partenariat avec la MEL, la Banque des Territoires et la Région Hauts-de-France, montre que 72% des entreprises du numérique ont du mal à recruter en région alors que nous sommes un des plus grands pôles universitaires de France. Parmi les secteurs en tension, on peut citer le développement et la sécurité informatique mais aussi la vente de produits informatiques.

Est-ce un problème de formation ?

Beaucoup d'efforts ont été faits, notamment pour attirer les femmes : je pense par exemple aux parcours de reconversion proposés par Rocket School ou le programme de retour à l'emploi Invest in Digital People. Si 60% des dirigeants trouvent que la formation en région est adéquate, un quart estime qu'il faut sans cesse être à la pointe et que les talents sont de ce fait difficiles à trouver. Il y a aussi la problématique de rétention des talents et c'est notre rôle de pouvoir proposer cette réponse internationale aux entreprises mais aussi de bien intégrer ces start-up exogènes aux Hauts-de-France. Aujourd'hui, un tiers des start-ups d'EuraTechnologies sont internationales alors qu'elles étaient quasiment inexistantes il y a un an.

Et le second enjeu ?

Nos start-up managers ont placé l'impact environnemental comme un critère de sélection indispensable des projets que nous allons incuber. L'impact du numérique en région, c'est 1,7 million de tonnes de CO2 dont 80% uniquement liés aux terminaux (écrans, téléphones...). Il y a donc beaucoup d'efforts à faire ! Sur les 140 start-up entrées en octobre dans notre dernière promotion, un tiers proposent des solutions de décarbonation.

Parmi les projets incubés, 30% sont portés par des femmes. Cela évolue dans le bon sens ?

En 2021, on était à 17% donc oui, il y a une progression mais cela demande beaucoup d'attention de notre part et nous en avions fait un objectif. On a besoin de relais et de figures féminines dans la tech pour montrer l'exemple.

EuraTechnologies a levé 24 M€ cet été avec l'arrivée dans votre capital de la famille Mulliez et Entreprises et Cités.

Je suis arrivée dans un écosystème mature, qui a pensé à l'international dès le début avec le partenariat avec Stanford University. La levée de fonds permet d'accélérer les choses et d'aller soutenir les nouvelles générations de start-uppers. Notre défi ? Fonctionner encore mieux, assurer l'international mais aussi le recrutement. Etre entrepreneur, c'est un engagement personnel et sociétal, que l'on porte toute le temps, nuit comprise. Nous sommes là pour leur faire gagner du temps. Il faut tout de même savoir que seuls 35% des porteurs de projets accompagnés créent finalement leur entreprise. Alors oui, on peut être durs, voire très durs mais il ne faut pas perdre de temps.