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Pour l'implantation de sa première usine en Europe

ProLogium choisit Dunkerque et son «écosystème»

Avec le choix de Dunkerque pour une grande usine de batteries, l'entreprise taïwanaise ProLogium entend faire de la France une terre pionnière, pour y produire une nouvelle génération de batterie, dite «solide», plus résistante et plus puissante que les précédentes. Entretien avec Gilles Normand, vice-président responsable du développement international du groupe.

«Un véritable écosystème pour les batteries se développe dans le nord de la France» souligne Gilles Normand. © Joël Saget-AFP
«Un véritable écosystème pour les batteries se développe dans le nord de la France» souligne Gilles Normand. © Joël Saget-AFP

«Les raisons pour une implantation en France sont nombreuses», a indiqué lors d'un entretien avec plusieurs agences de presse le vice-président responsable du développement international du groupe, Gilles Normand, alors que le président français Emmanuel Macron est attendu ce 12 mai à Dunkerque pour mettre en valeur la réindustrialisation de la région.

3 000 emplois à l'horizon 2026

Au total, ProLogium entend y investir 5,2 milliards d'euros d'ici 2030 pour atteindre une capacité de production annuelle de 48 GWh, suffisamment pour des centaines de milliers de voitures. Le groupe espère débuter la production fin 2026 et monter en puissance sur plusieurs années, avec à la clef 3 000 emplois dans l'usine et 12 000 emplois indirects pour le territoire. L'entreprise taïwanaise souhaitait «avoir accès à une électricité décarbonée» or à Dunkerque, «nous avons non seulement accès à l'électricité nucléaire mais il y a aussi des éoliennes offshore», souligne Gilles Normand.

«Un véritable écosystème pour les batteries se développe dans le nord de la France», salue-t-il, alors que trois autres projets de «gigafactories» y sont déjà annoncés: à Douvrin, dont l'ouverture est prévue fin mai ; à Douai et à Dunkerque avec la start-up française Verkor. «Cela va nous permettre d'avoir une masse critique pour voir s'installer des fournisseurs de matériaux», alors que les batteries actuelles dites «lithium-ion» sont très gourmandes en métaux critiques comme le lithium, le graphite ou le cobalt, avec une chaîne d'approvisionnement aujourd'hui largement maitrisée par la Chine.

Cela permet aussi «une proximité avec nos clients car beaucoup d'usines de véhicules électriques se trouvent en Europe du Nord» et «Dunkerque est très bien connectée par le rail, la route et un port en eau profonde qui facilite les importations et l'exportation de nos produits», poursuit Gilles Normand.

Une entreprise pionnière

ProLogium, fondé en 2006, se présente comme un pionnier de la batterie solide qui permet d'atteindre «une puissance entre 360 et 390 watt par kg contre entre 160 et 180 watts par kg pour les batteries lithium-ion», assure son fondateur et PDG Vincent Yang. La batterie solide se distingue de ses concurrentes par son électrolyte solide - pour transporter la charge électrique - et non liquide comme dans les batteries traditionnelles. Le séparateur - élément clef pour le fonctionnement d'une batterie - est lui en céramique et non en polymère, rendant la batterie beaucoup plus résistante aux chocs, moins encline aux courts-circuits et donc à prendre feu.

L'anode - une des deux électrodes - est entièrement composée d'oxyde de silicium, plus facile à trouver en Europe que le graphite habituellement utilisé, qui vient «à 90% de Chine», selon Gilles Normand. «Actuellement, au moins six équipementiers en Europe et aux Etats-Unis sont en phase de test», ajoute Vincent Yang, alors que cette technologie attend toujours d'être homologuée pour la mobilité électrique.

Un investissement sur fonds propres

La batterie solide permet de sérieuses améliorations, d'après les deux dirigeants. «Elle se charge à 80% en 12 minutes alors que si l'on prend par exemple une Tesla Model 3, cela prend 20 minutes» en charge rapide, explique Gilles Normand. La nouvelle technologie permet de «doubler l'autonomie» des batteries tout en réduisant leur poids «d'au moins 11%, soit au moins 50 kg», a-t-il poursuivi. Or «50 kg sur une voiture, c'est énorme, cela permet de réduire le système de freinage, etc

L'usine devra atteindre un niveau de production de 30 GWh avant d'être compétitive, selon lui. ProLogium a prévu dans un premier temps d'investir sur ses fonds propres avant de remplir son carnet de commandes. Les certifications de la batterie «prendront au moins deux ans» avant son adoption par les constructeurs, prévoit Gilles Normand. Depuis sa création, ProLogium a levé 700 millions d'euros et compte Mercedes-Benz parmi ses actionnaires. La société compte sur les aides financières européennes et nationales pour l'industrie verte et prévoit une introduction en bourse, afin de financer ses investissements.

Antoine GUY-AFP