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Audience solennelle du Tribunal de Commerce de Valenciennes

Des inquiétudes pour 2023 après une hausse des radiations

Mardi 10 janvier avait lieu l'audience solennelle du Tribunal de Commerce de Valenciennes ; l'occasion pour son président, Raymond Duyck, de revenir sur une année 2022 marquée par un contexte économique et géopolitique tendu, qui fait craindre un premier semestre 2023 placé sous le signe des difficultés.

Au centre, le président du Tribunal de Commerce de Valenciennes Raymond Duyck. © Lena Heleta
Au centre, le président du Tribunal de Commerce de Valenciennes Raymond Duyck. © Lena Heleta

Il s'agissait de la dernière audience solennelle avant la rénovation de la salle d'audience qui s'inscrit dans la lignée des travaux engagés dans le bâtiment abritant le tribunal : après la rénovation du clos et couvert, la seconde phase, en mars prochain, concernera la mise en accessibilité du site (avec la création d'un ascenseur sur la façade) mais aussi la restauration de la salle d'audience, de la salle des pas perdus et du rez-de-chaussée, abritant le greffe, pour un peu plus d'un an de travaux. Un renouveau qui permettra d'accueillir les justiciables dans de meilleures conditions.

Un ralentissement de la création d'entreprise

En 2022, le greffe a enregistré 15 829 formalités, 5 742 dépôts d'actes et 7 579 dépôts de comptes annuels au registre du commerce et des sociétés. «Le monde entrepreneurial de notre territoire montre que les signes de tension se sont accentués en fin d'année 2022» s'inquiète Raymond Duyck, président du Tribunal de Commerce de Valenciennes depuis mars 2022. Après l'envolée des créations d'entreprise en 2021, la levée progressive des dispositifs de soutien couplée à un contexte géopolique marqué par la crise en Ukraine ont plombé le moral des entrepreneurs : le Tribunal a observé une baisse de 5% de la création d'entreprise.

Dans les détails, le greffe a enregistré 3 135 créations d'entreprise (1 351 commerçants personnes physiques, 1 170 sociétés commerciales et 614 sociétés civiles) en 2022. Plus inquiètant, 1 002 entreprises ont été radiées du registre du commerce et des sociétés l'an dernier, «un chiffre en hausse de 17% à un an d'intervalle» précise le président.

Les entreprises individuelles en paient le plus lourd tribut avec 521 radiations soit plus de la moitié du total enregistré sur l'année, en progression de 33%. «Beaucoup d'entreprises avaient des accords pour étaler le paiement des charges. C'est terminé désormais et on s'attend à une hausse des difficultés à la fin du premier semestre» craint Raymond Duyck.

Plus précisément, les secteurs de la livraison à domicile et du e-commerce – particulièrement fertiles durant la crise sanitaire – sont ceux qui souffrent le plus : près d'une entreprise sur deux créée dans le secteur de la livraison à domicile depuis 2020 a été radiée sur cette période. L'importance du tribunal de commerce dans son rôle d'accompagnement des chefs d'entreprise en difficulté prend tout son sens : «Nous ne sommes pas là pour sanctionner mais pour alerter et orienter les dirigeant(e)s» rappelle le président.

La restauration et le commerce de proximité très touchés

Si le «mur des faillites» tant redouté à la fin de la pandémie ne semble pas avoir été franchi, les chiffres concernant les entreprises en difficulté sont préoccupants : 326 ouvertures de procédures collectives (trois sauvegardes, 76 redressements judiciaires et 247 liquidations judiciaires), contre 233 en 2021 soit une hausse de 40%, mais toujours en-deçà du niveau d'avant crise sanitaire (-16% versus 2018). Parmi les secteurs les plus touchés, la restauration et le commerce de proximité qui ont vu doubler le nombre de liquidations judiciaires.

«On observe également que les entreprises en difficulté sont de plus en plus jeunes» constate Raymond Duyck. © Lena Heleta

«L'apaisement des français vis-à-vis du virus les a progressivement amenés à revenir à une consommation plus 'normale' dans tous les domaines», analyse Raymond Duyck, entraînant ainsi la chute des commerces fragiles dans la restauration rapide et traditionnelle, la boulangerie-pâtisserie ou encore les débits de boissons.

Sur le plan des réformes législatives, Raymond Duyck a profité de l'audience pour s'interroger sur celle du statut de l'entrepreneur individuel, modifié par la loi du février 2022 et ses quatre décrets d'application (et applicable depuis le 15 mai 2022). Cette loi, qui abroge le statut de l'EIRL (Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limité), créé en 2008, met en place un nouveau statut unique de l'entrepreneur individuel en distinguant ses patrimoines professionnels et personnels.

«Cela pose de nombreuses difficultés en matières de procédures collectives tant les textes ne sont pas aboutis» alerte le président, pour souligner «l'incroyable complexité» de la procédure, devant la difficulté de réaliser une distinction entre les biens professionnels et personnels, qui généralement selon les situations, conduisent à l'ouverture d'une procédure collective sur les deux patrimoines de l'entrepreneur.

Expérimentation

Concernant le plan d'action du Garde des Sceaux, présenté le 5 janvier dernier, Raymond Ducyk a rappelé l'appui du Tribunal de Commerce de Valenciennes quant à la création, à titre expérimental, des tribunaux des affaires économiques, «qui auraient compétence pour connaître toutes les procédures amiables et collectives, et notamment les sociétés civiles, les associations, les agriculteurs et les professions libérales qui sont aujourd'hui de la compétence des tribunaux judiciaires». À la clé, une meilleure lisibilité pour le justiciable sur laquelle le Tribunal de Commerce de Valenciennes s'est positionné auprès de la conférence générale des juges consulaires de France et des chefs de cour pour en être l'un des tribunaux expérimentaux.

Deux nouveaux juges élus

Le Tribunal de Commerce de Valenciennes compte 22 juges consulaires, élus pour un mandat de deux ans, puis pour des mandats successifs de quatre ans.

Cette année, huit postes étaient à pourvoir, six juges déjà en exercice ont sollicité le renouvellement de leur mandat :

- Béatrice BERTIN, juge depuis 2021
- Karine FLAMENT, juge depuis 2013
- Philippe BOUCLY, juge depuis 2008
- Jean-Marc BOURRE, juge depuis 2019
- Marcelin PANTEGNIES, juge depuis 2009
- Olivier VANDENDRIESSCHE, juge depuis 2017

Deux nouveaux juges se sont présentés à l'élection et ont été élus :

- Alexis COLAS, expert-comptable depuis 20 ans dans un groupe d'expertise comptable de 500 personnes et représentant légal de la société ADELA (Saultain).

- Benoît TAISNE, gérant de Nométie, une PME de 12 salariés (Wargnies le Grand) spécialisée dans la mécanosoudure et la peinture thermolaquée.