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Enquête de conjoncture de la CCI et de la CMA Hauts-de-France

L'impuissance des chefs d'entreprise face à la crise

C'est la douche froide pour les dirigeant(e)s. Après une année 2022 plutôt encourageante, le premier trimestre 2023 n'a pas démarré sur les chapeaux de roue et le pire semble à venir. Selon la dernière enquête de conjoncture réalisée par les instances régionales de la CCI et de la CMA (Chambre des Métiers et de l'Artisanat), aucun secteur d'activité n'est épargné.

600 boulangers en Hauts-de-France seront bientôt en difficulté à cause de la crise qui perdure. © LIGHTFIELD STUDIOS
600 boulangers en Hauts-de-France seront bientôt en difficulté à cause de la crise qui perdure. © LIGHTFIELD STUDIOS

Chute du chiffre d'affaires, baisse de la fréquentation, inflation... le moral des 3 800 entreprises interrogées est au plus bas mais surtout, le solde d'opinion repart dans le rouge à -3% ; la première fois depuis fin 2020. «Le début d'année est plus que dramatique. On a 300 bouchers-charcutiers et 600 boulangers qui vont être en difficuté. En plus, les URSSAF n'ont pas encore fait leurs assignations» s'inquiète Laurent Rigaud, président de la Chambre des Métiers et de l'Artisanat (CMA) Hauts-de-France, alors qu'un artisan sur deux constate une baisse de son chiffre d'affaires.

D'un point de vue plus global, le chiffre d'affaires a reculé pour 41% des dirigeants, en moyenne de 25%, notamment dans le commerce de détail et le transport-logistique. «Les chiffres n'ont pas été aussi bas depuis la crise Covid. Plus d'un tiers des dirigeants indique que la situation actuelle de leur trésorerie est mauvaise. On constate clairement un décrochage de l'activité et une forte dégradation sur ce premier semestre» explique Grégory Stanislawski, directeur des études à la CCI Hauts-de-France. Ce sont les secteurs de l'hôtellerie-restauration, du commerce de détail et de la construction qui en paient le plus lourd tribut.

Accélération des défaillances

Au premier trimestre 2023, 1 045 défaillances d'entreprise ont été enregistrées (contre 764 un an plus tôt), soit une hausse de +67%. C'est une fois encore le secteur de l'hôtellerie-restauration le plus à la peine avec un nombre de défaillances deux fois plus important (125% par rapport à 2022) ainsi que le commerce de détail (75%). «Il y a aussi de plus en plus d'entreprises à vendre (+15%) avant même la retraite du dirigeant, mais avec peu d'acheteurs en face» déplore Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France.

Entre l'augmentation du prix des matières premières, l'inflation et la crise énergétique, les chefs d'entreprise sont à bout et ils sont près d'un sur trois à prévoir une détérioration de leur activité au prochain trimestre. De son côté, la construction commence à montrer des signes de faiblesse : à l'augmentation des prix vient s'ajouter la difficulté pour les ménages d'accéder aux prêts bancaires ; les chantiers sont donc annulés ou reportés pour un tiers des entreprises...

La construction, qui s'était plutôt bien portée jusqu'à présent, commence à montrer des signes de faiblesse. ©Nathalie Pothier


«C'est le trimestre le plus compliqué pour les entreprises artisanales. 56% d'entre elles sont en sous-activité et la moitié des artisans du bâtiment constate un recul du chiffre d'affaires. Ils sont souvent les sous-traitants d'entreprises plus importantes de construction et commencent à flancher» complète Emilie Denfer, responsable services études et prospective – CMA Hauts-de-France.

Une tendance qui perdure

C'est un peu la double peine pour les dirigeants : entre l'inflation et le ralentissement de l'activité, difficile de sortir la tête de l'eau alors que la crise énergétique vient encore plus plomber les trésoreries. «Je suis préoccupé comme je ne l'ai jamais été. Les entreprises artisanales ne vont plus pouvoir continuer à recevoir des factures toxiques, elles sont rentables si on les laisse travailler dans un environnement rentable. On parle d'économie de proximité mais rien n'est fait. Les charges sont insupportables et les factures vont faire tomber en masse les entreprises» fustige Laurent Rigaud.

Dans son viseur, les énergéticiens et la «politique de la rustine» : «On les contacte tous les jours avec des dossiers et à chaque fois, cela se règle, il n'y a pas de problème. Mais c'est juste éteindre le feu devant la forêt qui brûle. Pour les artisans, c'est un parcours du combattant d'aller chercher des aides dont les dispositifs changent tous les jours. On n'a pas le temps pour cela». 

Seule (légère) embellie au tableau, les entreprises qui arrivent plutôt bien à rembourser les PGE contractés durant le Covid. Sur les 34% qui ont bénéficié de l'aide de l'Etat, 57% sont en cours de remboursement et sans difficulté particulière, qu'il s'agisse des entreprises ressortissantes de la CCI Hauts-de-France ou de la CMA Hauts-de-France. Des chiffres à nuancer tout de même puisqu'un tiers des entreprises éprouvent tout de même des difficultés et que «dans près de 3 cas sur 10, le prêt contracté par une entreprise l'est pour couvrir un besoin de trésorerie» précise Grégory Stanislawski.

Très inquiets mais pas résignés, Philippe Hourdain et Laurent Rigaud poursuivent leur combat sans relâche : «On exprime les choses avec force et dureté à l'Etat mais on ne voit rien bouger. Pourtant c'est à lui de faire bouger les choses». L'appel est lancé.