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Cet obscur objet du désir

Librement inspiré de L’amant de Lady Chatterley de D.H. Lawrence, Tenderness est une magnifique immersion dans les eaux profondes du désir affranchi de tout compromis et libéré de toute règle. Ecrit et mis en scène par Antoine Lemaire, un spectacle leste et sensuel, drôle et mélancolique, impalpable et incarné, porté par un impeccable trio de comédiens en harmonie.

© Frédéric Iovino
© Frédéric Iovino

Au crépuscule du spectacle, Constance et Mellors (Florence Bisiaux et Damien Olivier), liés par l’inaltérable désir qui balaye les normes sociales, brise les certitudes et fracasse les conventions morales, abandonnent derrière eux un monde mortifère courant à sa perte, inféodée aux dogmes de l’argent et du travail. Ainsi libéré des contraintes, le couple s’apprête à vivre l’expérience de la liberté sous le regard perdu de Clifford (Antoine Lemaire), mari dissimulant son aveuglement sous une amère ironie. Mais avant que leur chemin ne se sépare, ces personnages nous auront confié les méandres de leurs émotions enflammées ou insatisfaites, de leurs souvenirs inoubliables ou humiliants, de leurs confessions sincères ou affectées, passant du sublime au médiocre comme un saisissant raccourci de nos vies amoureuses chaotiques.

© Frédéric Iovino

Face au public, micro en main devant un écran vidéo, les trois comédiens murmurent sur le ton de la confidence et nous convient à une ballade contemplative et charnelle au cœur des sensations paradoxales agitant ce trio où femme, mari et amant composent ensemble une musique des sentiments par laquelle chacun pourra entendre la note qui résonne en lui. Baigné par la sublime musique d’Arvo Part, Tenderness tend à abolir les frontières entre le corps et l’esprit, l’osmose radicale et la solitude inconsolable, la puissance du sexe et l’absence au monde. Un spectacle à la lisière de l’immobile qui puise son énergie dans les mouvements contradictoires de la pensée en marche où les voix soliloquent, se réverbèrent, se trahissent ou se perdent dans une musicalité de l’intime.

Dans cette atmosphère flottante, parfois irréelle, chacun tente d’approcher la matière de ses émois ou la vérité de son introspection, les mots devenant des balises auxquelles chacun s’accroche tant bien que mal. Le brouillard sur l’écran prolongeant la confusion des sens, le silence s’insinuant entre les mots et la musique pour mieux nous envelopper puis nous égarer dans ce no man’s land de l’éros. Seule certitude peut-être, l’absolue volupté des corps, point culminant de l’osmose qui projette Constance et Mellors hors du monde… Entre cris de jouissance et confessions chuchotées, le couple égrène les étreintes en forêt, Constance oscillant alors entre le regard détaché, comme spectatrice d’elle-même, et le pur abandon, immergée dans les flots tumultueux d’un désir qui l’emporte.

 

Représentations du 11 au 13 octobre à la Rose des Vents, boulevard Van Gogh à Villeneuve d’Ascq. Renseignements et réservations au 03 20 61 96 96 ou sur www.larose.fr