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À Calais, la dentelle trébuche une fois de plus

La société Desseilles, spécialisée dans la dentelle pour la lingerie-corseterie, a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer. Les rumeurs courraient dans le milieu de la dentelle sur la fragilité financière de l’entreprise qui fait partie du mini-groupe monté par Pascal Cochez depuis sa reprise des sociétés Darquer, Desseilles, Méry, Boot et Cosetex. Retour sur ce qui ressemble au désastre d’une filière.

Desseilles affichait un chiffre d’affaires à moins de 3 millions l’an dernier. © Aletheia Press/Archives
Desseilles affichait un chiffre d’affaires à moins de 3 millions l’an dernier. © Aletheia Press/Archives

Depuis plusieurs années, les fabricants de dentelles Darquer et Desseilles situés à Calais, ainsi que Méry à Caudry, sont à la peine. Leurs productions ne cessent de s’effondrer et leurs pertes se chiffrent en millions. Pourtant, il y a quatre ans (en 2019), le PDG du groupe Cochez qui rayonne dans toute la région dans le levage et la manutention, a racheté ses entités. 

L’avenir ne s’est pas éclairci pour autant. Desseilles est passée de plus de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires avant la reprise à moins de 3 millions l’an dernier avec des pertes réduites à 50 000 euros. Les autres sociétés du groupe ne se portent pas mieux. Si l’ex-calaisien Darquer (qui a absorbé Méry en 2021), spécialisé dans la robe, affiche un chiffre d’affaires de 2,2 millions d’euros pour 19 salariés, c’est grâce à la vente de sa marque Noyon, en mai dernier au Srilankais MAS.

Un passé tumultueux

Le petit groupe de sociétés de dentelle se partage ainsi entre Caudry (avec Méry et Darquer) à qui il a été adjoint le petit fabricant calaisien Cosetex et Calais où demeurent les sociétés Boot et Desseilles. La première fonctionne aujourd’hui au ralenti tandis que la seconde est en cessation de paiement. Dans le landerneau de la dentelle à Calais, Desseilles a souvent été l’objet de tourmentes et de convoitises de la part de ses confrères. Une guerre des prix avec Feu-Noyon, une tentative de reprise hostile de la part du caudrésien Sophie Hallette, et une collaboration plus ou moins sereine avec les caudrésiens Solstiss et Bracq forment son passé récent et tumultueux. 

Surtout, Desseilles avait innové dans le Leavers et le tricotage lors de la période 2011 – 2016 sous la houlette de trois cadres inventifs et décomplexés (Jean-Louis Dussart, Michel Berrier et Gérard Dezoteux). Desseilles est ensuite passée sous pavillon chinois (Yongshen) pendant 3 petites années avant que cet investisseur ne jette brutalement l’éponge.

«Regrettable mais prévisible»

Quand il reprend Darquer-Noyon et Desseilles, Pascal Cochez ne se doute probablement pas de la difficulté et de la spécificité de l’activité dentellière. S’il y a injecté ses fonds (prêt Garanti par l’État, capital, compte-courant), le dirigeant réorganise la filière. Sa dentelle est teinte en partie chez Chroma Color (Solstiss) et en partie à la Caudrésienne (Sophie Hallette). Après le creux d’activité du Covid, la descente continue à Calais comme à Caudry. La production de dentelles tissées est divisée par 2 voire par 3 chez certains fabricants. 

«C’est regrettable, mais prévisible, explique Jean-Louis Dussart, ex-dirigeant de Desseilles, avant de poursuivre. Trop d’optimisme à la reprise. Nous l’avions évoqué avec mes associés : une chaîne de production à bout de souffle et hors de prix (teinture comprise) et enfin une conjoncture défavorable à la dentelle auront eu raison des subventions et aides en tous genres qui n’ont pu être qu’un cataplasme sur une jambe de bois» analyse t-il.

Avec cet énième dépôt de bilan dans la profession, la filière s’interroge sur son avenir. «Les autres sociétés du groupe ne sont pas concernées par ce redressement» nous a précisé Pascal Cochez. À Caudry, les fabricants sont attentifs. Chaque mouvement dans la dentelle ayant un impact sur la filière. Quid des métiers à tricoter ? Y aura-t-il des ventes d’actifs ? De la ressource humaine disponible ?

Un plan de licenciement de 40 personnes ?

Au dernier comité d’entreprise, la direction de Desseilles a évoqué un plan de licenciement de plusieurs dizaines de personnes. Le dépôt de bilan doit permettre de «mener un PSE important au cours des deux prochains mois» nous a déclaré Pascal Cochez. Sur les 90 personnes du groupe des dentelles Cochez, il pourrait en rester moins de 50. L’impact géographique ne sera pas neutre. 

Sur le site des Salines à Calais, les derniers fabricants du groupe Cochez ne remplissent plus que la moitié des bâtiments qu’ils louent à la municipalité depuis 2019. L’ensemble des sociétés cumulent à peine 5 millions d’euros de chiffre d’affaires contre prés de 15 avant la reprise. Des visites ont déjà commencé sur une partie du site. La question qui pointe est la suivante : y aura-t-il encore une dentelle à Calais dans les prochains mois ?