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L’impossible dialogue

Nouvelle production de la Monnaie, l’unique œuvre d’opéra de Béla Bartók (1881-1945), Le Château de Barbe-Bleue est un impressionnant drame lyrique en un acte daté de 1911. Très courte – l’œuvre dure une heure environ –, elle est ici associée à un ballet-pantomime Le Mandarin merveilleux tiré également d’un conte et composé par Bartók en 1919.

Le Château de Barbe-Bleue © S. Van Rompay
Le Château de Barbe-Bleue © S. Van Rompay

Le Château de Barbe-Bleue © S. Van Rompay

Au début du XXe siècle, le mythe de Barbe-Bleue redécouvert par Perrault connaît un regain d’intérêt auprès de nombreux écrivains. En 1910, le poète et critique hongrois Béla Balázs lit un texte qu’il a composé sur le sujet à quelques amis. Dans les mains de Balázs, le conte de Barbe-Bleue est devenu un «mystère» animé d’une symbolique complexe, dégagé de toute péripétie extérieure et centré sur le couple. À l’écoute du poète, Béla Bartók est enthousiasmé par la sobriété et la beauté poétique de la langue comme par sa charge allégorique. En quelques mois de l’année 1911, il compose une partition concise et intense, un drame lyrique pour deux voix dont la structure rappelle celle d’un poème symphonique. Dans Le Château de Barbe-Bleue, le compositeur hongrois développe un vocabulaire musical d’une profonde originalité et d’une imagination exceptionnelle. L’orchestration se déploie dans un jeu de contrastes saisissants, en dehors des contraintes mélodiques et harmoniques habituelles.

En 1918, Bartók écrit Le Mandarin merveilleux, un ballet-pantomime inspiré d’un livret de Menyhért Lengyel tiré d’un conte chinois. Le sujet, une histoire de prostitués et de souteneurs dans un quartier malfamé, est à la fois réaliste, violemment érotique et fantastique. La musique d’un expressionisme exaspéré est âpre, violente et lascive. La partition, composée pour grand orchestre symphonique et chœur, est d’une extrême densité et richesse sonore.

La mise en scène de ce diptyque a été confiée au belge Christophe Coppens qui a choisi de placer l’action dans un espace unique, un monde de miroirs et de reflets, de lumières et d’aveuglements. Un seul décor qui dessine cependant des mondes très fortement contrastés : le premier, «très épuré, tout en circonspection et en retenue, dans un état de latence», car pour Christophe Coppens, «Barbe-Bleue ressemble à une peinture abstraite qui commence à s’animer, sans début ni fin, avec deux voix et deux personnages impassibles et réservés qui tournent l’un autour de l’autre sans jamais se toucher.» A l’opposé du Mandarin merveilleux, dont l’ambiance d’excès et de désordres rappelle le Jardin des délices de Jérôme Bosch. Un jardin de perversions, étrange, surréaliste, «avec une certaine dose d’humour et de légèreté

Deux univers visuels contrastés mais qui partagent cependant les mêmes thèmes : «la difficulté de communiquer, les malentendus, l’incapacité de nouer des relations authentiques.»

À la tête de l’Orchestre symphonique et des Chœurs de la Monnaie, le directeur musical Alain Altinoglu donner toute l’impulsion nécessaire au formidable duo formé par la basse croate Ante Jerkunica, dans le rôle de Barbe-Bleue, et la mezzo-soprano française Nora Gubisch qui interprètera Judith.

 

Représentations les 16, 19 & 21 juin à 20h, le 24 juin à 15h au Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles. Renseignements et réservations au 00 32 22 29 12 11 ou sur www.lamonnaie.be