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Le combat de la Lumière et des Ténèbres

En ouverture de sa saison, la Monnaie présente une nouvelle production de La Flûte enchantée, probablement le plus célèbre opéra de Mozart. Le chef d'orchestre Antonello Manacorda s’associe à l'artiste italien Romeo Castellucci pour cette œuvre à la fois populaire et complexe.

Le metteur en scène Romeo Castellucci lors des répétitions. © H. Segers-La Monnaie
Le metteur en scène Romeo Castellucci lors des répétitions. © H. Segers-La Monnaie

En 1791, Wolfgang Amadeus Mozart a trente-cinq ans et n’a plus que quelques semaines à vivre quand son ami Emanuel Schikaneder, acteur, chanteur et directeur d’un petit théâtre viennois de langue allemande, lui demande de composer un Singspiel sur le thème d’un conte oriental qui va porter le nom de La Flûte enchantée. Le sujet n’est pas original mais contient nombre de stéréotypes appréciés du public. Schikaneder lui écrit le livret, y introduisant l’idéal et les rites maçonniques – ils sont tous deux francs-maçons. Il mettra également en scène l’opéra et il chantera le rôle de Papageno.

Le metteur en scène Romeo Castellucci lors des répétitions. © H. Segers-La Monnaie

Inepte pour certains, génial pour d’autres, le livret de Schikaneder – très probablement écrit avec Mozart – ne se laisse pas facilement saisir tant son apparence est tout à la fois simpliste, décousue et multiforme. Est-ce un conte ? Un roman d’apprentissage ? Un roman philosophique, une allégorie du combat entre la Lumière et les Ténèbres, entre l’esprit et la matière ? Toujours est-il que Mozart enracine son livret dans une musique d’une puissance telle qu’elle transcende les clichés, illuminant les situations et donnant vie aux personnages. Il y mêle avec bonheur érudition et airs populaires, passant d’une ouverture «fuguée» à un choral protestant, d’ensembles à l’italienne à un air populaire. Car Mozart a toujours su transcender les formes classiques.

 

Le questionnement philosophique au cœur de la mise en scène

 

La Flûte enchantée suscite inévitablement des attentes mais Romeo Castellucci, sans aucun préjugé, jette une nouvelle lumière sur la partition la plus connue de Mozart. Pour lui, il est essentiel de replacer en son centre le questionnement philosophique et d’en assumer le portrait idéologique tant par rapport au compositeur, homme ancré dans un siècle dont les idéaux humanistes cohabitent avec le paternalisme, la misogynie et le racisme, que par rapport à notre propre époque. Car la promesse de Sarastro de nouveaux temps d’amour, de justice et de beauté, est restée lettre morte… Pour parvenir au cœur philosophique de l’œuvre, Romeo Castellucci se concentre sur les émotions, aussi identifiables que complexes, contenues dans la musique. Il s’appuie pour cela, entre autres, sur le travail de la chorégraphe belge Cindy van Acker, tandis que pour l’impressionnant décor du premier acte, il a sollicité la collaboration d’un artiste exceptionnel, Michael Hansmeyer, architecte et programmeur qui crée des sculptures sur base d’algorithmes conçus sur le principe du chaos.

Deux actes, deux mondes, deux philosophies, deux héros, deux classes sociales… Tout l’opéra repose sur la dualité, dans une vision très manichéenne – la Lumière dissipe les Ténèbres, le bien triomphe du mal, le courage prévaut sur la lâcheté. En nous rendant lisible cette dualité par deux actes que tout oppose, l’un ancré dans les surcharges décoratives d’un XVIIIe siècle réinventé, l’autre dans le vide et la nudité d’une réalité douloureuse, Romeo Castellucci remet en lumière la part philosophique d’une histoire trop souvent réduite à son aspect exotique et charmant, sans en exclure pour autant la dimension intime et charnelle.

Directeur artistique de la Kammerakademie de Potsdam, Antonello Manacorda dirigera l’Orchestre symphonique de la Monnaie et la distribution proposera de grands noms du chant mozartien à l’image de la soprano française Sabine Devieilhe, l’une des meilleures Reines de la Nuit d’aujourd’hui sur la scène lyrique mondiale. Sarastro sera interprété en alternance par la basse hongroise Gábor Bretz et son collègue belge Tijl Faveyts. Georg Nigl – aussi bon acteur que chanteur – incarnera le fantasque Papageno tandis que la soprano russe Elena Galitskaya endossera le rôle de Papagena. Soit une distribution aussi étincelante que l’œuvre mozartienne !

 

Représentations les 18, 20, 21, 25, 26, 27, 28 septembre, 2 & 3 octobre à 20h, les 23 & 30 septembre à 15h au Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles. Renseignements et réservations au 00 32 22 29 12 11 ou sur www.lamonnaie.be

 

Puis à l’opéra de Lille du 30 avril au 18 mai 2019. Renseignements et réservations sur www.opera-lille.fr