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 Open payment : Sésame, ouvre-toi

Le paiement par simple carte bancaire, dit «open payment», se répand dans de nombreux réseaux de transports, rencontre un succès inespéré. Les opérateurs se frottent les mains : le dispositif facilite la mobilité et génère une manne inattendue.

Depuis juillet, la métropole de Lille teste la formule dans huit stations de métro, pour une durée de «quatre à cinq mois». © Lena Heleta
Depuis juillet, la métropole de Lille teste la formule dans huit stations de métro, pour une durée de «quatre à cinq mois». © Lena Heleta

Dans de nombreuses villes d’Europe, l’usager peut valider un trajet en transports publics à l’aide d’une simple carte bancaire, ou un téléphone muni d’un moyen de paiement. En France, une trentaine de réseaux ont désormais adopté l’«open payment», comme on dit dans le jargon de la mobilité. Dijon a été la première agglomération à l’avoir expérimenté, dès 2018. Lyon et Toulouse ont suivi en 2022 et Marseille s’y est mise cet été. Depuis juillet, la métropole de Lille teste la formule dans huit stations de métro, pour une durée de «quatre à cinq mois», une période qui couvre la célèbre braderie, le premier week-end de septembre, et les matchs de la Coupe du monde de rugby, en septembre et en octobre.

Vers une simplification des déplacements

Après un premier essai lors des Jeux olympiques de Londres en 2012, la technologie s’est perfectionnée au cours des années 2010, poussée par les opérateurs de carte bancaire, Visa et Mastercard, à la recherche de nouveaux marchés, et les entreprises de transport, qui souhaitent faciliter l’achat d’un titre. Tous insistent sur les avantages pour les usagers, à commencer par la fin des files d’attente devant les distributeurs. L’open payment signe aussi la disparition de ce petit stress au moment de choisir le bon ticket dans la gamme des tarifs disponibles, tandis qu’un métro ou un tramway est à l’approche. Dans les villes concernées, les usagers savent qu’ils peuvent apporter la preuve de leur achat par un simple scan de leur carte par le contrôleur.
Se déplacer en transports publics devient enfin plus facile. Cela fait des années que les transporteurs annoncent l’avènement du «Maas», la «mobilité comme un service», qui promet la simplification des déplacements. Le concept repose, notamment, sur la prescription d’itinéraires par le smartphone, en prenant en compte l’ensemble des offres existantes, des parkings-relais aux trottinettes en libre-service, en passant par les bus et les métros. Mais la formule rencontre peu de succès, compte tenu de la difficulté à mettre d’accord les différentes entreprises du secteur. Finalement, c’est un autre aspect du Maas, le paiement par carte bancaire qui prend son envol. Les usagers ne veulent pas tant un itinéraire combinant tramway, vélo et bus que davantage de simplicité et de rapidité au moment où ils s’apprêtent à acheter un billet.

Formule idéale pour les télétravailleurs

La formule rencontre un grand succès. A Dijon, le recours à l’open payment a été multiplié par dix depuis 2018, devenant le premier moyen de paiement, devant les abonnements au réseau. A Lyon, Keolis, qui est également l’opérateur à Dijon et à Lille, se frotte les mains. En janvier, 43% des ventes à l’unité dans les métros, trams, trolleys et bus s’effectuaient en passant une carte bancaire sur un valideur.
Au départ, les opérateurs pensaient contenter essentiellement les usagers de passage, touristes ou cadres en voyage d’affaires. Ils ont découvert, avec la pandémie, que le dispositif séduisait également les salariés du tertiaire, adeptes du télétravail plusieurs jours par semaine. Les transporteurs ont vite compris les avantages qu’ils pourraient en tirer. Tout d’abord, les données récoltées constituent de précieux indicateurs de tendances, qui permettent d’ajuster l’offre. Et surtout, les ventes par carte bancaire se font au prix fort, celui d’un ticket unique, bien plus intéressant, pour le transporteur, qu’un abonnement au mois.
Le coût pour l’usager commence d’ailleurs à faire polémique. A Lille, Stéphane Baly, élu écologiste d’opposition, dénonce le ticket à 2 euros, l’équivalent du prix à l’unité, majoré du support rechargeable, alors que les autres usagers l’achètent 1,80 euro. A Dijon, la Métropole a décidé, en juillet, une hausse du ticket «open payment», de 1,40 à 2 euros l’unité, confirmant un avenant au contrat passé avec Keolis. L’opposition, ici représentée par des élus Les Républicains, regrette, comme à Lille, un choix jugé «incohérent» avec l’objectif de développement des transports publics.
Ces critiques ne semblent pas émouvoir les collectivités concernées. La validation par carte, presque « invisible » pour l’utilisateur, est une aubaine inespérée. Depuis de nombreuses années, les élus n’osent pas augmenter significativement le coût des transports publics, comme le déplore chaque année l’Union des transports public (UTP), qui rassemble les entreprises du secteur. Sur le long terme, les prix des tickets augmentent moins que les autres postes de dépenses. Le coût des transports publics est aussi tiré vers le bas par les promesses de gratuité totale de certaines collectivités. L’open payment coûte certes plus cher, mais il n'ouvre pas seulement le portillon. Il apporte aussi une forme de tranquillité d’esprit. Visiblement, les usagers sont disposés à payer pour ce service.